Depuis des mois, je réfléchis à cette question et la tourne dans tous les sens, rencontre des managers, responsables RH, dirigeants, me plonge dans les expérimentations en France et à l’étranger, les travaux de recherche etc. Avec un seul objectif : trouver des solutions face à la problématique du désengagement et du mal-être au travail. Car beaucoup constatent à raison qu’elle gagne du terrain dans notre monde complexe. D’où une certaine perplexité, une lassitude et une démotivation de tous côtés. Mais si des entreprises en pleine croissance réussissent à instaurer un climat de confiance, où l’innovation, la créativité, le bien-être des salariés a toute sa place, chacun, à son niveau dans l’organisation, peut se saisir des bonnes pratiques et les adapter à sa sphère propre.
« Tout compromis repose sur des concessions mutuelles, mais il ne saurait y avoir de concessions mutuelles lorsqu’il s’agit de principes fondamentaux. »
Gandhi
Curieuse citation afin d’introduire un sujet si largement débattu, pourriez-vous me renvoyer en retour. Je m’explique … Réenchanter le travail, ambiancer le travail – pour être encore plus provocatrice – prend trop souvent une coloration superficielle dans les multiples articles qui tapissent les colonnes des magazines et les réseaux sociaux. Il y est généralement question d’un support technologique (capteur d’émotions des salariés et autres prises de pouls, de poids etc.) qui va révolutionner le bonheur, de babyfoots, d’espaces cosy, de Mr ou Mme Happiness provider ou encore d’incantations à la bienveillance. Pourquoi pas ? Mais est-ce bien suffisant ? Et s’il s’agissait plutôt d’un questionnement ouvert en repartant aux fondamentaux de ce qui fait avancer chacun et chacune, de s’autoriser un premier diagnostic sur ce que l’on vit dans son entreprise : la motivation, intrinsèque pour être plus précise. Dit autrement, d’aller débusquer le désir !
Rien de nouveau, cela fait des lustres que tous les théoriciens mais aussi praticiens du management le pose comme socle de toute mise en mouvement d’autrui. Et même si le décorum qui l’entoure a probablement un impact, nulle concession possible sur ce qui fonde la psychologie humaine.
Quelles aspirations du côté des salariés ?
Plusieurs études ont fourni de précieuses informations à ce sujet. Je me suis attelée à les décortiquer, notamment les avancées de la recherche française . Elles apportent des éclairages utiles et différents des premiers travaux nord-américains, encore trop souvent cités comme références sur le sujet. J’y ai découvert une exception française. Les salariés de l’hexagone expriment des attentes différentes de leurs homologues d’autres pays et les françaises en particulier. Je détaille ces singularités dans mon nouveau livre Réenchantez le travail, c’est possible ! Ceci afin de comprendre le contexte afin de mieux l’appréhender ensuite.
D’une façon générale, je constate que le sentiment de mal-être au travail est particulièrement sensible dans les très grandes entreprises. Ce qui ne vous étonnera sûrement pas. Plus une organisation est grande, plus son fonctionnement repose sur une sorte de millefeuille. Au-delà des pratiques managériales parfois obsolètes, les salariés de ces grandes organisations m’évoquent très souvent leur mal-être lié au sentiment de ne plus pouvoir faire correctement ce qui est attendu d’eux. Le temps semble comme avalé par un flux interrompu de sollicitations perturbant le travail effectif nécessitant la prise de recul. A cela s’ajoutent des objectifs en tension permanente avec des ressources contraintes et des espaces ouverts souvent évoqués comme de grands perturbateurs de la concentration. Quant à la confiance optionnelle (c’est-à-dire mouvante, non fiable) accordée ou non aux collaborateurs, elle fait des ravages !
« Être sans idée pour rester ouvert à tous les possibles »
Confucius
Alors comment agir en entreprise ?
Alors comment agir quand on est un homme ou une femme clé en haut de la pyramide ? Dirigeant, responsable des ressources humaines, manager, je vous propose de commencer par vous remonter les manches car il n’est pas aisé de rallumer une flamme parfois vacillante. Aux incantations, préférez une démarche structurée de « tâtonnement artistique » efficace et pragmatique .Un pied de nez à toute forme de prêt à penser car c’est par le désir, l’expérimentation, les essais-erreurs et l’audace que la transformation opère.
Dans mon ouvrage, des exemples d’entreprises qui ont fait ce chemin et certaines chez qui je suis intervenue pourront être une aide à votre propre réflexion. J’y décrypte les processus à l’œuvre et ,via deux grilles d’analyse, vous aide à prendre la hauteur nécessaire afin de comprendre ce qui se joue, en termes de culture d’entreprise, de style managérial, de croyances véhiculées sur les facteurs clés de réussite notamment.
Comment agir pour soi ?
On n’est tous aux manettes de l’entreprise, cependant chacun a une marge de manœuvre dans son environnement immédiat, afin de soutenir ses équipes/ou et pour soi-même. Et c’est via cette impulsion individuelle qu’opère aussi le changement.
Manager, vous pouvez agir auprès de vos collaborateurs directs et améliorer leur engagement et leur bien-être.
A titre personnel, votre attitude vis à vis de vos collègues et la façon de vous vous comporter au quotidien dans vos interactions avec les autres ont un poids certain sur l’ambiance, la solidarité et de qualité de vie au travail aussi. Pointer les fondations solides de votre entreprise et ce qui fonctionne bien, formuler vos propres objectifs (sans trop en avoir non plus !), identifier vos zones d’influence, mettre des mots sur vos maux… ne sont que quelques exemples d’exercices que je propose dans la dernière partie de mon livre, pour vous permettre de mieux vivre au travail. Pour retrouver de la joie de vivre tout en étant performant au travail. Et au final, pour se réaliser dans un lieu où l’on passe en semaine le plus clair de son temps…
Isabelle Deprez