Vous êtes-vous déjà amusé à compter combien de fois vous vous excusez par jour ? Il est intéressant de faire le test pour savoir si on demande pardon facilement, ou pas. Cela en dit souvent long sur notre capacité à nous remettre en question. Mais plus largement, cela dépend, comme le prouve les psychologues, du sexe et de la culture de chacun. Dans tous les cas, l’excuse est certainement un baume social qui assure harmonie et réconciliation. A consommer, mais sans excès.
« Qui s’excuse s’accuse ».
Stendhal
L’art de bien s’excuser
Désolé. Je suis confus. Je m’en veux. Je ne voulais pas faire mal. J’ai mal jugé les répercussions de mes propos. J’aimerais tout effacer. Toutes ces façons de montrer ses regrets peuvent être puissantes. Mais encore faut-il bannir les plates excuses et opter pour y mettre de la sincérité, quand ce n’est pas du cœur. Si le regard, la posture et les mots sont en accord, il y a fort à parier que la personne en face fera preuve de clémence pour effacer les propos qui l’ont blessée. Nous avons tous vécu ces moments où nous nous excusons rapidement, d’avoir bousculé quelqu’un dans le bus par exemple. Était-ce vraiment efficace ? Pas si sûr. Tout revient encore à une question d’intention.
« C'est compliqué de demander pardon, c'est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l'on n'arrive pas à s'ouvrir à l'autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses. »
Paul Auster
L’effet positif des excuses
Les excuses modifient grandement la façon dont les autres nous perçoivent. On peut ainsi influencer l’image que l’on renvoie aux autres. Vous voulez paraître chaleureux ? Exprimez vos regrets. C’est prouvé : cela exerce une influence positive sur notre jugement. Faites l’expérience par exemple avec l’assistant vocal Siri, sur votre portable. Les scientifiques ont démontré que la voie de l’intelligence artificielle, en s’excusant avec une formule du genre « je suis désolée de ne pas comprendre votre requête », paraît tout de suite bien plus sympathique ! Ces petits mots, l’air de rien, montrent une attention qui change profondément la communication entre les êtres en bien en favorisant les interactions. On passe alors du mode « je t’en veux » à « je te trouve agréable » et soudain, le plaisir de poursuivre la discussion réapparaît. L’effet kiss kool : celui qui s’excuse voit souvent son estime de soi et la perception de son pouvoir renforcés (s’il a une confiance en lui de base. A l’inverse, il apparaît que celle ou celui qui n’est pas sûr de lui a plus de mal à s’excuser*).
« On doit se pardonner entre soi, n'est-ce pas, si l'on ne veut pas vivre comme des sauvages. »
Emile Zola
S’excuser oui, mais pas trop
Karina Schumann et Michael Ross de l’université de Waterloo au Canada, ont confirmé la croyance populaire selon laquelle les femmes demandent plus souvent pardon. Leur empathie et lucidité sur les situations semblent être une explication. Voilà donc une bonne chose. Mais tout est une question de dosage et de mon expérience, je peux dire que plus jeune, j’avais tendance à m’excuser… un peu trop facilement. Pardon par ci, pardon par là… Maintenant, avec le recul, je me dis que ce mot fort de sens, trop utilisé, risque aussi d’amputer, même légèrement, son assurance. Tout dépend du comportement de la personne « offensée ». Montre-t-elle une souffrance, une tristesse, une blessure ? Est-elle susceptible ? Très sensible ? Il convient de prendre en compte ces particularités, particulièrement avec les personnes que l’on fréquente régulièrement, comme un conjoint ou un supérieur hiérarchique. De toute manière, l’excuse doit partir de soi. A l’inverse, si l’autre la demande, voire l’exige, il est peut-être nécessaire de se demander quelles sont ses intentions. Alors, l’excuse, positive sans aucun doute. Mais avec clairvoyance et bon sens. Toujours.
Isabelle DEPREZ
*D’après l’étude de Tyler Okimoto de l’université de Queensland en Australie