La posture de manager coach en tant que femme
Les femmes et le pouvoir
Aborder la question du manager permet d’évoquer celle du pouvoir. Un mot souvent revêtu d’un halo d’ambiguïté pour les femmes. L’imaginaire nourri par les « héros guerriers » peuplent notre inconscient.
Alors comment guider, orienter, cadrer quand on est femme, sans perdre sa féminité ? Jongler entre coach et manager pourrait être une bonne idée.
« Mes sculptures représentent le monde de la femme amplifié, la folie des grandeurs des femmes, la femme dans le monde d’aujourd’hui, la femme au pouvoir. »
Niki de Saint Phalle
Entre autorité, agressivité et pouvoir, mon cœur balance
L’autorité, associée depuis des siècles à la virilité, sous-entend souvent pour les femmes : « violence », « domination », « jeux personnels ». Cela peut mener tout droit à un autre terme ambivalent : l’agressivité, qui dénonce un comportement dévalorisé culturellement.
Des réticences à excercer le pouvoir
Les femmes semblent, comme je l’explique dans le livre que je viens de rééditer, « La femme expliquée à nos amis les hommes »*, mal à l’aise avec ces notions. Elles ont des réticences à exercer le pouvoir ou à montrer qu’elles l’exercent, alors qu’elles sont souvent très douées pour faire grandir les autres en développant leur sens des responsabilités et leur esprit d’initiative. Mais si pour y parvenir, il faut en passer par l’adoption des codes propres au jeu politique, plutôt amusant au regard des hommes, les femmes sont loin d’acquiescer.
Le poids de l’histoire
Trop marquées par les figures historiques portées par les mythes, les contes, les films, les médias et l’image que renvoie les grands patrons et les dirigeants en général, elles se refusent catégoriquement à une autorité « brutale » qui devrait toujours être absente de l’exercice du pouvoir. Pour exceller, à leur façon, dans l’art de construire et d’entretenir des relations, elles doivent utiliser d’autres ressources, en restant en accord avec leur nature profonde. Qui peut tout-à-fait comprendre des comportements autoritaires et agressifs, qu’il ne s’agit pas de renier, ni pour les hommes ni pour les femmes, mais plutôt de canaliser.
« L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre. »
Herbert von Karajan
Le manager coach, un idéal à tenter d’atteindre
Mais quand on est femme, comment jongler avec les difficultés inhérentes au pouvoir, louvoyer entre diplomatie et stratégie ? Si les hommes arrivent pour la plupart à prendre le recul suffisant, les femmes optent plus facilement pour une attitude coopérative plutôt que directive. Comme le souligne Gérard Ouimet, professeur agrégé de psychologie organisationnelle au Service de l’enseignement du management à HEC Montréal, dans son ouvrage « Psychologie du pouvoir organisationnel – La maîtrise des habiletés politiques », le ou la manager qui exerce un pouvoir dans une organisation est confronté à un milieu où les motivations sont hétérogènes. Il faut sans cesse ajuster ses propos en fonction du contexte et des acteurs susceptibles d’influer sur la réussite d’un projet. Pas facile dans ce monde plus incertain que jamais ! Mais pour parler ici plus précisément de la femme, il se peut qu’elle se facilite la tâche d’une part en se libérant du poids des représentations figées, d’autre part en développant ses capacités à créer des alliances (que l’on peut donc résumer par le « jeu politique »). En quoi cultiver les relations et jouir d’un maximum de soutiens serait un problème ? Cela le devient seulement à partir du moment où les petites filles ne sont pas éduquées pour embrasser ces codes, pourtant incontournables en société !
Quand à la fonction de « coach » du manager coach, elle repose en partie sur une posture de facilitateur. J’entends par là qu’elle implique de s’en remettre à ceux qui font, d’observer ses collaborateurs, d’identifier les opportunités, de savoir poser les bonnes questions tout en faisant régulièrement des feedbacks. Tout un art pour celles qui occupent cette fonction en devenant des funambules sur un fil aussi risqué que passionnant.
Bonne nouvelle : de plus en plus de femmes marchent désormais sur ce fil tendu. Mais elles ne réussiront leur mission avec le sentiment d’avoir agi avec justesse, envers les autres et envers elles-mêmes, que si elles s’appuient une base solide : l’affirmation de soi.
Isabelle DEPREZ